Entretien avec Georgia Makhlouf dans L'Orient litteraire.

Le nouveau roman de Percy Kemp se présente comme une suite au précédent, Noon Moon, le mercredi des cendres et comme le deuxième volet d’une trilogie, dont le troisième tome est annoncé dans les dernières pages à travers des rebondissements à venir. Une suite certes, mais force est de constater que Le Grand jeu explore de nouveaux territoires et que sa mécanique, tout à la fois complexe et précise, emboîte plusieurs niveaux narratifs qui surprennent et captivent le lecteur de bout en bout. On y retrouve le nonchalant, frileux et néanmoins raffiné Harry Boone, reprenant du service à son corps défendant, lancé sur les traces d’un biologiste susceptible de résoudre la crise alimentaire qui a suivi le réveil du plus grand volcan du monde, le Yellowstone. C’est dans le sous-continent indien qu’il va opérer et que sa route va croiser celle d’un jeune orphelin, Mick, que le chaos du monde a jeté sur les routes. Harry va « engager » l’adolescent, et ce faisant, contribuer à son initiation en lui faisant comprendre les règles du grand jeu. La dimension philosophique du récit, articulée à une vision ample et stratégique des désordres du monde, reste présente et on ne s’en étonnera pas : elle est la marque de fabrique de Kemp. Mais le roman d’espionnage s’enrichit ici d’une dimension nouvelle et fait une large place au récit d’initiation. Le Grand jeu offre ainsi au lecteur de multiples registres de lecture et prolonge également des réflexions engagées dans Le Prince. Kemp interroge par exemple notre incapacité à percevoir les changements du monde et notre propension à penser le présent avec des schémas mentaux du passé. C’est dire si la lecture du roman est aussi passionnante que salutaire.

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