Depuis que l'administration américaine a reconnu son échec dans sa volonté de convaincre le gouvernement israélien de geler la colonisation dans les territoires disputés, tout le monde s'accorde à dire que le processus de paix au Proche-Orient est à nouveau dans l'impasse. Cet "à nouveau" prête néanmoins à confusion, et il serait plus vrai de dire que pas une seule fois depuis la fin de la guerre froide le processus de paix au Proche-Orient ne sera sorti de l'impasse.

Contrairement à la péninsule Arabique qui le borde au sud et à l'ensemble irako-iranien qui le prolonge à l'est, le Proche-Orient est en effet relativement pauvre en ressources naturelles, peu de flux énergétiques ou migratoires y transitent et, si l'on excepte le canal de Suez, dont l'importance pour le commerce international ne cesse de décroître, aucune artère vitale ne le traverse.

Cette région, qui fut jadis l'objet de toutes les convoitises, est aujourd'hui un grenier à blé vide, un sous-sol plus archéologique que minéralogique et, depuis l'implosion de l'Union soviétique, un vrai trou perdu géostratégique. La Méditerranée orientale ne présente plus aucun intérêt aux yeux des grandes puissances, et sa marginalisation sur l'échiquier mondial devrait se poursuivre au fur et à mesure que le poids de la planète se déplacera vers l'est du continent asiatique.

C'est sans doute pourquoi nos gouvernants font preuve d'un tel manque d'imagination, comme de détermination, dès qu'il s'agit pour eux de trouver puis d'imposer une solution au conflit. Leur quête d'une paix au Proche-Orient s'apparente en réalité plus au luxe qu'à la nécessité. Velléitaire, elle entraîne les improvisations, les tergiversations, les atermoiements et, plus généralement, l'amateurisme diplomatique que l'on sait.

Au vu de quoi et en l'absence d'enjeux et d'objectifs stratégiques évidents, il serait bon qu'ils s'abstiennent de prendre quelque initiative que ce soit au Proche-Orient : qu'ils cessent de supplier, de promettre, de menacer, de sanctionner, de tracer des "feuilles de route" au crayon mine et de tirer des plans sur la comète, et qu'ils érigent plutôt le farniente (le "faire rien") en véritable politique, permettant ainsi aux belligérants de donner libre cours à leur démesure. Car, comme le disait jadis Areus, le très sagace roi de Sparte, la tyrannie, il ne faut surtout pas chercher à l'éteindre : bien au contraire, il faut la laisser brûler tout entière.

...

Suite de l'article sur le site du MONDE